Le nouveau commerce (2ème partie)


La colonisation de la Gold Coast pouvait donc commencer. Elle est officiellement lancée par la signature des lettres patentes royales le 24 Juillet 1874, d’autant plus qu’entre temps au Royaume-Uni Benjamin Disraeli est devenu Premier Ministre et prône une politique expansionniste qui encourage la colonisation. Le territoire de la Gold Coast comprendra à ses débuts le pays fanti à l’Ouest d’Accra, les territoires ashantis passés sous contrôle britannique et détail important la région de Lagos à 405 km à l’Est d’Accra (Ceci expliquera les efforts de britanniques pour faire la jonction entre les deux territoires plus tard). L’objectif ici n’est pas de prendre le contrôle sur un large territoire mais absolument mettre la main sur un commerce (celui des alcools et tabac notamment) générateur d’importantes taxes à collecter. A titre d’illustration, ces taxes représenteront environ 89% du budget de la colonie de Gold Coast pour l’année 1880.

Le pays Anlo n’échappera pas au mouvement. Ressortant des cartons le traité signé avec les Danois leur cédant leurs possessions de la côte en 1849, les Britanniques concluront avec les chefs Anlo le traité de Djelukopé le 22 Juin 1874 pour prendre le contrôle de la bande littorale entre l’Océan et la lagune, clé de contrôle du commerce entre la côte et l’hinterland. Presque 20 ans après leur retrait, les bottes des soldats britanniques résonnent à nouveau à l’intérieur du fort de Keta, capitale du nouveau district oriental en Juillet 1874.
Dans leur obsession pour la collecte des taxes, les Britanniques ne mettront qu’un mois à se rendre compte que quelque chose ne tourne pas rond à Keta. En effet, si les importations sont soumises à des droits de douane, les exportations , elles sont libres de droit. Ceci va donner naissance à un petit manège fort lucratif pour les commerçants autochtones mais aussi pour les firmes étrangères installées: les vendeurs apportent les marchandises à exporter aux factoreries à Keta et au lieu de s’approvisionner chez ces dernières par la même occasion, ils se font payer en bons de marchandises à faire valoir quelques kilomètres plus loin à Elmina Chica et Adaffia (aujourd’hui appelés respectivement Adina et Adafianu ) qui ne sont pas en territoire britannique (Keta étant la frontière) et donc exemptes de droits de douane. A la manœuvre, un ancien esclave libéré sierra-léonais George Briggars Williams, dont la descendance est restée au Ghana et au Togo sous le nom de Woolams, Geraldo de Lima un ancien esclave anlo, mais aussi les firmes européennes qui ont compris l’intérêt de ce petit jeu. Sentant la menace sur ses revenus douaniers, le Gouverneur de la colonie, le Capitaine Strahan va réagir avec énergie et entériner la décision prise par le Civil Commandant Baker d’envoyer des troupes aux lieux incriminés pour y installer immédiatement des postes de douane. S’appuyant sur les stipulations de l’article 3 du traité de Djelukopé qui, en gros offre un blanc-seing à la couronne britannique d’occuper le pays anlo où bon lui semble pour assurer le contrôle du territoire, la frontière de la Gold Coast va s’installer à 7 km de la frontière actuelle entre le Togo et le Ghana.
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Le problème n’est pas pour autant résolu. Et l’occupation de ce nouveau territoire se fait en toute illégalité puisque Adina et Adafianu ne sont pas en pays anlo (couvert par le traité de Djelukope) mais en territoire somé, peuple voisin mais distinct des Anlo. En prenant cette décision, les Britanniques vont même mettre le doigt dans un engrenage qui va mener à la naissance du Togo une décennie plus tard: les commerçants de Keta vont recommencer leur manège 1 km plus à l’Est à Dénu (dont le nom signifie en éwé « la frontière »). La situation va prendre un tour nouveau lorsqu’en Octobre 1878, les contrebandiers vont encercler le fort de Keta, tirer des coups de feu. Le district commissioner, le Lieutenant Ellis échappe de peu à l’assassinat. Accra enrage littéralement et entend régler définitivement le problème en coupant l’accès au système lagunaire qui permet de rejoindre la Volta. La grande crainte, en effet c’est que les marchandises de contrebande reviennent dans la colonie par le système fluvial. L’administration britannique reçoit l’aval du Secrétariat aux Colonies de Londres pour étendre la frontière plus à l’Est encore. Objectif: Aflao, là où se situe actuellement la frontière avec le Togo. Mais ce n’est pas une mince affaire comme nous le verrons par la suite.

