Le nouveau commerce (1ère partie)
Laissons Petit Popo un instant, avec ses intrigues et ses luttes d’influence. Descendons maintenant l’échelle du temps jusqu’au premier quart du 19 ème siècle et plongeons-nous dans les lagunes boueuses du delta de la Volta 230 km à l’ouest.
Sur cette bande de terre entre mer et lagune vivent les Anlo. Ils tirent avantage de leur position géographique pour développer des talents de navigateurs et de commerçants avec les peuples de l’intérieur des terres.
Dans cet environnement, le changement est plus que jamais d’actualité, la traite négrière est abolie depuis 1815 entraînant concomitamment une recomposition des forces en présence sur la côte. Les Hollandais, Portugais, Espagnols auront lutté jusqu’au bout pour maintenir ce commerce devenu illégal mais doivent se rendre à l’évidence. Les arraisonnements réguliers au large de la désormais ancienne côte des esclaves rendent le vil commerce impossible. Les marchands anglais, français, allemands ont su changer leur fusil d’épaule. De nouveaux commerces certes moins lucratifs mais légaux, eux, apparaissent : alcool, poudre, débarquent sur la côte tandis que huile de palme, noix de palmiste, coprah, maïs sont exportés.
Le Danemark va suivre le mouvement de retrait et proposer à la Grande Bretagne de lui racheter l’ensemble de ses possessions sur les côtes de la Gold Coast constitués de points de fortification étalés entre Accra avec le Château de Christiansborg (longtemps résidence des chefs ghanéens par la suite – The Osu Castle) et le pays Anlo plus à l’Est. Prix de départ 285.000 Livres Sterling de l’époque. L’offre porte sur 5 fortifications au total. Les Britanniques dédaigneront l’offre, histoire de faire baisser le prix. La vente sera finalement conclue le 31 Décembre 1849 pour le prix de 10.000 Livres Sterling (entre 657 Millions et 1,160 Milliards de Francs CFA – Evaluation 2007). Mars 1850 verra les Britanniques prendre possession de leur bien au point le plus à l’Est au fort de Keta (33 km derrière la frontière actuelle du Ghana avec le Togo). Cet état de fait ne durera cependant pas longtemps. Ils se retirent fin 1855, constatant le coût élevé de cette possession dans une zone ne présentant aucun intérêt stratégique. Entre temps, la Société des Missions d’Allemagne du Nord, plus connue sous le nom de Mission de Brême aura eu le temps de s’installer à Keta également, marquant l’arrivée de l’Allemagne parmi les forces en présence. Une double vocation sous-tend son action : évangéliser et commercer. Ces deux missions a priori incompatibles vont aboutir à une scission en 1868 donnant naissance à la Mission de Brême (fondatrice de l’Eglise Evangélique Presbytérienne au Togo et au Ghana) et la Factorerie de Brême, même si elles demeureront intimement liées, les mêmes familles, les Vietor notamment fournissant les cadres des deux institutions. Le retrait britannique quant à lui, sera complet en 1859 et la côte retrouvera sa quiétude.
Cette zone laissée libre verra alors prospérer après une brève reprise de la traite, le commerce nouveau. Et avec lui, de nouveaux acteurs jusque là inexistants sur la côte de Guinée : les cabécères, des self-made men, anciens esclaves libérés sierra-léonais (sujets britanniques), brésiliens, mulâtres portugais, anciennes familles de la côte. Leur puissance économique, leur pouvoir de déstabilisation au profit de leur commerce leur fera jouer un rôle déterminant dans les événements qui aboutiront à la naissance du Togo en tant qu’entité internationalement reconnue un quart de siècle plus tard.
Mais la quiétude évoquée plus haut durera pas longtemps. Le canon tonne bien souvent sur cette côte aux allures paisibles. Les Anlo, en effet sont liés aux Ashantis dominateurs de la région dont la capitale Kumasi est située plus au Nord, par un faisceau souterrain de liens depuis des époques immémoriales. Ils refusent également l’impérialisme britannique et se soulèvent sporadiquement. Reprenant la pratique installée par l’occupant danois, les Britanniques bombardent régulièrement à partir de navires de guerre positionnés au large les villages côtiers anlo pour briser la résistance. 1874 verra la fin de l’affrontement anglo-ashanti. En Janvier-Février, lors d’un assaut décisif les Britanniques pénètrent dans Kumasi. Le traumatisme est alors si grand que les Ashantis doivent déposer les armes. Le traité de Fomena le 13 Février mettra définitivement fin au conflit avec la concession par les Ashantis de tous les territoires sous leur influence sur la côte, le pays Anlo y compris.
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